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AnalyseIngérence étrangère : retour à la case départ

Le premier ministre Justin Trudeau arrive à une réunion du cabinet sur la colline du Parlement à Ottawa le mardi 2 mai 2023.

L'opposition réclame une enquête publique depuis près de trois mois.

Photo : La Presse canadienne / Sean Kilpatrick

C’était, disons, une façon assez particulière de commencer un point de presse sur l’ingérence étrangère : parler de Mont-Tremblant plutôt que de Pékin.

Le rapporteur David Johnston a senti le besoin de détailler ses habitudes sur les pentes de ski. Oui, il a bien skié quelques fois avec les membres de la famille Trudeau. Non, ils n’étaient pas voisins de chalets. Oui, il a déjà donné un lift à Justin Trudeau et ses frères quand ils étaient petits. Non, ça ne fait pas d’eux des amis. Un peu plus, et on apprenait qu’il est adepte du hors-piste ou qu’il est habile dans les bosses.

Cette entrée en matière aurait été bien inoffensive si elle n’avait pas été aussi révélatrice du problème.

La perception de proximité entre l’ancien gouverneur général et le premier ministre détourne l’attention. Elle permet aux partis d’opposition de rejeter la légitimité du processus et d'amener ce dossier sur un terrain partisan plutôt que collaboratif.

Si bien que, plus de six mois après les premières révélations médiatiques sur l’ingérence étrangère, on se retrouve politiquement à la case départ.

Les relations Canada-Chine

Consulter le dossier complet

Des drapeaux du Canada et de la Chine.

Les partis d’opposition continuent de réclamer d’une seule voix une enquête publique. Justin Trudeau continue de défendre l’intégrité de David Johnston qui, à ses yeux, ne peut être questionnée. Et le public continue de se demander si on lui cache quelque chose.

Un rapport néanmoins utile

Même si on a la désagréable impression de faire du surplace, il serait néanmoins injuste de déclarer que le rapport provisoire de David Johnston a été inutile. Le document a notamment permis de mettre le doigt sur des lacunes de gouvernance dans la façon dont l’information classifiée est traitée et chemine dans les hautes sphères du pouvoir.

Des renseignements délicats circulent sans que personne n’assure le suivi de qui les lit. Les informations se perdent dans les dédales de documents gouvernementaux sans atteindre les ministres concernés. De meilleurs mécanismes sont nécessaires, souligne le rapporteur spécial.

David Johnston, le menton posé sur la main, vu entre deux bandes rouges.

David Johnston, rapporteur spécial indépendant sur l'ingérence étrangère, a présenté son premier rapport à Ottawa mardi.

Photo : La Presse canadienne / Sean Kilpatrick

David Johnston s’est également penché sur la véracité de certaines informations qui ont fuité et fait les manchettes. Voici quelques-unes de ses conclusions :

  • Il n’y a pas de preuve de l’existence d’un stratagème établi par le régime communiste chinois pour favoriser l’élection d’un gouvernement libéral minoritaire;
  • Le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) est au courant d’allégations de financement illégal de candidats favorables à la Chine aux élections canadiennes, mais n’a pas de renseignements lui permettant de conclure que ces activités se produisent réellement;
  • Pékin a bel et bien cherché à colliger des informations sur le député conservateur Michael Chong et sa famille, mais rien n’indique que le régime communiste ait posé des gestes pour les menacer;
Michael Chong.

Le député conservateur Michael Chong s'adresse aux journalistes sur la colline du Parlement, à Ottawa, le mercredi 3 mai 2023.

Photo : La Presse canadienne / Sean Kilpatrick

  • Le député Han Dong, qui a récemment quitté le caucus libéral, a effectivement discuté avec le consulat chinois du cas des deux Michael, mais il n’a pas plaidé pour une prolongation de leur détention. L’allégation est fausse, a tranché le rapporteur;
  • Le candidat conservateur Kenny Chiu a bien été ciblé par une campagne de mésinformation en ligne, mais impossible de savoir si la source de cette campagne était soutenue par Pékin.

L’ennui, c’est qu’il faut se fier à la parole de David Johnston, puisqu’il est impossible de voir soi-même les preuves qui lui permettent d’étayer ces conclusions. Il existe bien une annexe confidentielle qui collige le matériel classifié qu’il a consulté, mais ceux qui la liront devront garder secrets ces renseignements. Le rapporteur spécial reconnaît lui-même qu’il s’agit d’une solution quelque peu insatisfaisante quant à la transparence.

Aux yeux du chef bloquiste Yves-François Blanchet, cet accès conditionnel constitue un piège aussi peu subtil qu’un trou dans la route recouvert de quelques brins de paille. Le chef conservateur Pierre Poilievre ne veut pas, lui non plus, se museler en promettant de garder secrète l’information à laquelle il pourrait avoir accès. Justin Trudeau les accuse en retour de choisir l’ignorance.

Le débat semble immobilisé. Comme dans le jeu de serpents et échelles, on a l’impression – après ce qui pouvait sembler une progression prometteuse – de redescendre à la case départ. Le pion s’est arrêté sur la queue du serpent. Et l’opposition a le sentiment de devoir avaler des couleuvres.

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