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AnalyseÉnoncé économique : un pansement, plutôt qu’un remède miracle

Chrystia Freeland marche devant d'autres personnes dans un corridor du parlement à Ottawa.

La ministre fédérale des Finances et vice-première ministre, Chrystia Freeland, à son arrivée à une réunion du cabinet Trudeau à Ottawa, le 21 novembre 2023.

Photo : La Presse canadienne / Adrian Wyld

Chrystia Freeland doit se tracer une voie de passage entre l'impératif de soulager la classe moyenne, prise à la gorge par la montée des taux d’intérêt, et la nécessité de ne pas alimenter l’inflation. Et le chemin sur lequel la ministre fédérale des Finances marche est bien trop étroit pour être confortable.

Politiquement, Mme Freeland risque de perdre l’équilibre, entre les conservateurs qui la jugent trop dépensière et les néo-démocrates qui exigent plus de programmes sociaux.

Le temps presse. Il lui reste moins de deux ans, avant les prochaines élections, pour prouver que le chemin qu’elle emprunte ne conduit pas à un cul-de-sac.

Mesures modestes

Avec une marge de manœuvre plombée par les dépenses importantes effectuées au cours des dernières années, Chrystia Freeland a déposé un énoncé économique axé sur deux besoins urgents : le logement et le coût de la vie.

Les libéraux, qui avaient habitué l’électorat à des programmes ambitieux et flamboyants, comme le programme de garderie et l’allocation aux enfants, doivent désormais se contenter de mesures modestes et ciblées.

Ainsi, pour aider les gens à joindre les deux bouts, la ministre Freeland propose de renforcer les pouvoirs du Bureau de la concurrence, de sévir contre les frais indésirables et de supprimer les taxes sur les services de psychothérapie.

Bâtiment en construction en octobre 2023, à Yellowknife.

Un projet à Yellowknife financé avec un versement de 33,7 millions de dollars de la Société canadienne d'hypothèques et de logement.

Photo : Radio-Canada / Julie Plourde

Pour le logement, elle propose 15 milliards de dollars en prêts pour la construction d’appartements, afin de créer 30 000 nouveaux logements. Elle avance également une enveloppe de 1 milliard sur trois ans pour la construction de 7000 logements abordables ainsi que 300 millions pour encourager les coopératives d’habitation.

La ministre Freeland planche sur une charte hypothécaire et serre la vis aux propriétaires pour décourager les locations à court terme de type Airbnb.

Ces mesures permettront – au mieux – de créer quelques dizaines de milliers de logements, alors que l'ampleur du défi est immense. La SCHL estime qu’il faudra 3,5 millions de logements supplémentaires d’ici 2030 afin qu’ils restent abordables pour les Canadiens.

Si Chrystia Freeland reconnaît que les gens souffrent de l’inflation et du manque d’accès au logement, les mesures qu’elle a annoncées mardi s’apparentent davantage à un pansement sur une plaie qu’à un remède miracle.

Faute partagée

Une bonne partie de la situation économique difficile dans laquelle se trouve le gouvernement fédéral échappe à son contrôle : l'instabilité politique mondiale et la hausse des taux d'intérêt ont assombri le paysage économique.

C’est la même chose pour le logement : des décennies de manque d’investissements et de pelletage par en avant ont pavé la voie à une situation intenable. Les autres ordres de gouvernement doivent également se partager le blâme pour cette inaction.

Mais dans les deux cas, les libéraux y ont aussi mis leur grain de sel.

Plusieurs économistes s'entendent sur le fait que les dépenses sont restées trop élevées après que le pire de la pandémie eut passé. Quiconque achète un ensemble de salon grâce à la formule consacrée « achetez maintenant, payez plus tard » sait qu’il s’expose aux risques d’un imprévu. Le gouvernement Trudeau a profité de son mobilier de salon, mais il doit maintenant payer.

Or, le service de la dette atteint des sommets : 30,6 milliards de dollars supplémentaires en intérêts dans les cinq prochaines années.

On a par ailleurs augmenté les cibles d’immigration sans les arrimer avec une hausse de l’offre de logement, ce qui a exacerbé le problème qui se dessinait depuis longtemps.

Le Canada « brisé »?

Les libéraux doivent maintenant défendre leur bilan dans l’arène politique, alors que les conservateurs ont le vent dans les voiles et que leur chef, Pierre Poilievre, répète depuis des mois que le Canada est brisé.

Pierre Poilievre à la Chambre des communes.

Le chef du Parti conservateur du Canada, Pierre Poilievre, est insatisfait du budget et dit que ce dernier ne va pas assez loin, alors que les Canadiens vivent la pire inflation en 40 ans.

Photo : La Presse canadienne / Adrian Wyld

Dès les premières lignes de son énoncé, Chrystia Freeland a voulu lui répliquer. Le Canada n'est pas et n'a jamais été brisé, a-t-elle écrit.

Dans cette bataille des trames narratives, libéraux et conservateurs tentent de convaincre la même frange de l'électorat : la classe moyenne.

Les libéraux l'ont chouchoutée pendant des années : programme pancanadien de garderie, assurance dentaire, prestation canadienne d’urgence... Mais cette classe moyenne s'arrache désormais les cheveux parce qu'elle peine à payer l'épicerie, parce qu'elle doit renouveler l'hypothèque à un taux d'intérêt exorbitant ou encore parce qu'elle n'arrive plus à trouver un logement à un prix raisonnable.

Les pieds d'enfants assis sur des chaises dans une garderie.

Le programme pancanadien de garderie est l'une des mesures offertes à la classe moyenne par les libéraux. (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada / Anne-Charlotte Carignan

Les troupes de Justin Trudeau continuent de plaider pour une vision optimiste, mais leur message est souvent enterré par celui de Pierre Poilievre, qui sait canaliser avec beaucoup d’efficacité la frustration de ceux qui n’arrivent pas à joindre les deux bouts. Son message séduit, et si l’on en croit les sondages, les électeurs sont nombreux à croire, comme le chef conservateur, que le pays est brisé.

Il reste moins de deux ans aux libéraux – et une marge financière limitée – pour tenter de leur prouver le contraire.

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