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Dossier au Tribunal administratif du logement : une marque indélébile pour les locataires

Montage graphique aux teintes bleu et corail, avec divers éléments, tels qu'un avis de décision du Tribunal administratif du logement, une affiche «logement à louer» ainsi qu'une main tenant une clé.

Il est parfois difficile pour un locataire de trouver un nouvel appartement lorsqu'il a un dossier au Tribunal administratif du logement.

Photo : Radio-Canada / Olivia Laperrière-Roy

De plus en plus de locataires craignent que des recours au Tribunal administratif du logement (TAL) complexifient leurs recherches de logement, en entachant leur réputation auprès des propriétaires, en pleine crise du logement. Un groupe de défense des droits des locataires de Québec, qui n’a jamais reçu un volume d’appels aussi important à ce sujet, appelle à l’anonymisation des décisions rendues par le Tribunal.

Je viens de raccrocher avec une locataire qui craignait d’utiliser ses recours devant le Tribunal par peur d’avoir un dossier qui lui nuirait à l’avenir, confie Nicole Dionne, coordonnatrice au Bureau d'animation et information logement du Québec métropolitain (BAIL), au moment d’aller à sa rencontre.

Une femme se trouve devant une fenêtre.

Nicole Dionne souhaite que les décisions rendues au Tribunal administratif du logement (TAL) soient anonymisées.

Photo : Radio-Canada / Anne-Sophie Roy

Depuis le début du mois de janvier, le BAIL compte plusieurs dizaines d’appels de locataires préoccupés à ce sujet. Les causes sont diverses : certains n’osent pas contester un avis d’augmentation de loyer, d’autres, un avis de reprise de logement.

On a toujours reçu des appels de locataires inquiets d’un possible dossier à leur nom, mais depuis janvier, ça n’a rien à voir. C’est terrible.

Une citation de Nicole Dionne, coordonnatrice au Bureau d'animation et information logement du Québec métropolitain (BAIL)

Le service juridique Juripop remarque également une tendance où des locataires hésitent avant de faire valoir leurs droits par peur de représailles ou peur qu’un dossier leur nuise à long terme.

En principe, un propriétaire peut refuser de louer un appartement s’il a des preuves que le locataire a manqué à ses obligations par le passé ou s’il a été en défaut de paiement, mais le simple fait d’avoir contesté une hausse de loyer ne devrait pas être un motif de refus, explique Sophie Gagnon, avocate et directrice générale de Juripop.

Une femme avec des écouteurs esquisse un léger sourire devant un micro dans un studio de radio.

Sophie Gagnon, avocate et directrice générale de Juripo. (photo d'archives)

Photo : Radio-Canada / Marie-Eve Cloutier

C’est clair qu’en période de pénurie d’appartements, c’est difficile de savoir sur quoi se fondent réellement les propriétaires pour louer un logement, admet l’avocate, en précisant qu’une réclamation au TAL laisse des traces.

Plusieurs locataires ont écrit à Radio-Canada et ont confié hésiter à contester un avis d’augmentation de loyer qui leur semble déraisonnable ou un avis de reprise de logement par crainte que leurs démarches nuisent à leur profil de locataire à l’avenir. Aucun n’a souhaité s’identifier et témoigner à visage découvert.

On n’est plus des mauvais payeurs

Dave, un père de famille de la région de Québec, a omis de payer son loyer en 2016, au moment où il vivait des difficultés financières. Ce manquement à ses obligations, marqué dans les registres publics, lui colle à la peau.

Début mars, j’avais trouvé une maison parfaite pour ma conjointe et mes quatre enfants. On est passé au crédit, on était sur le point de signer le bail, mais quand le propriétaire est tombé sur ce dossier d’il y a huit ans, il a coupé tout contact avec nous. On n’a pas pu s’expliquer, raconte Dave, rencontré dans le logement à loyer modique qu’il habite depuis huit ans.

Un homme est assis à sa table de cuisine.

Dave n'a pas souhaité divulguer son nom de famille par crainte que son témoignage nuise à ses recherches de logement.

Photo : Radio-Canada / Anne-Sophie Roy

Le logement lui a été refusé sous prétexte qu’il aurait voulu cacher la décision rendue en 2016, selon des échanges de textos consultés.

Je n’ai rien voulu cacher, plaide celui qui affirme ne jamais s'être fait poser de question sur des défauts de paiements. Le quadragénaire ajoute que l’eau a depuis coulé sous les ponts. Il assure avoir redressé sa situation financière, réglé ses dettes et dit occuper un nouvel emploi plus payant depuis peu.

Si tu as une dette chez Equifax ou TransUnion, elle s’efface au bout de six ou sept ans. Moi, vu que j’ai fait une erreur de 2600 $, il faut que ça me suive toute ma vie? Elle est où la logique là-dedans?, dénonce-t-il.

Une solution : rendre les dossiers anonymes

Les décisions rendues au Tribunal administratif du logement sont disponibles sur le registre de la Société québécoise d’information juridique (SOQUIJ) tout comme sur le plumitif en ligne du TAL, deux ressources gratuites et accessibles à tous.

Des organismes, comme le BAIL, à Québec, souhaiteraient que ces dossiers soient anonymisés, comme c’est déjà le cas en droit de la famille ou en protection de la jeunesse.

Si on enlevait le nom des locataires et on remplaçait par des initiales ou autres, comme ça se fait déjà dans d’autres types de décisions, on améliorerait grandement la vie des locataires, c’est certain, clame Nicole Dionne.

Et même si des locataires expriment des regrets ou souhaitent repartir sur de nouvelles bases, aucune disposition de la loi en matière civile ne prévoit qu'un dossier puisse disparaître des registres publics, même des années plus tard.

Les décisions du Tribunal sont transmises à la Société québécoise d’information juridique (SOQUIJ) qui les rend accessibles au public sur son site Web conformément à l’article 6 du Règlement sur la diffusion de l’information et sur la protection des renseignements personnels, a fait savoir l’institution, par écrit.

Le Tribunal administratif du logement est l’un des tribunaux administratifs les plus achalandés au Canada. Il a tenu 70 885 audiences et a rendu 41 550 décisions durant l'année financière 2022 et 2023. Le délai moyen d’attente pour une première audience est à un peu plus de deux mois et demi.

Un dépôt de sécurité pour mettre en confiance

L’anonymisation des décisions rendues au TAL n’est pas envisageable pour la Corporation des propriétaires immobiliers du Québec (CORPIQ). Pour le président du conseil d’administration, Éric Sansoucy, l’accès public à ce registre est la moindre des choses pour mesurer le risque auquel il s’expose.

Éric Sansoucy à la caméra.

Éric Sansoucy, président du conseil d'administration de la CORPIQ, souhaite que Québec autorise le dépôt de garantie.

Photo : Radio-Canada

Sans compensation, si on laisse le propriétaire à lui-même, il n’y a pas de flexibilité de notre côté à permettre à ce qu’un passé soit caché, évoque-t-il.

Pour permettre aux locataires comme Dave d’avoir droit à une seconde chance, Éric Sansoucy plaide pour l’autorisation du dépôt de garantie pour sécuriser le propriétaire, une pratique interdite au Québec, mais permise dans d'autres provinces.

Si, en analysant un jugement, on réalise qu’un ancien propriétaire demandait une augmentation de loyer déraisonnable, ça s’explique bien, mais si à chaque année un locataire conteste son avis d’augmentation de loyer, il y a quérulence et personne n’a envie de perdre son temps chaque année.

Une citation de Eric Sansoucy, président du conseil d'administration, CORPIQ

Et si un locataire n’arrive tout simplement pas à se loger, considérant ses fautes du passé?

C’est à l’État d’assumer et d’aider cette personne à se loger, plutôt que de mettre la responsabilité sur les épaules d’un propriétaire, répond M. Sansoucy.

Jouer la carte de la transparence

Tous les intervenants s’entendent cependant sur une chose : il n’y rien comme mettre cartes sur table et faire preuve de transparence dans sa démarche de location.

Si on est capable de montrer qu’on paye nos comptes, qu’on a un revenu, et qu’on peut mettre la main sur une lettre de référence de son employeur ou d’un ancien propriétaire, ça facilite l’accès au logement, indique Nicole Dionne du BAIL.

Éric Sansoucy de la CORPIQ abonde dans le même sens. Aviser un futur propriétaire d’un historique au TAL est une preuve de transparence et peut installer un climat de confiance pour la suite.

En attendant, Dave espère toujours qu’un propriétaire voudra lui donner une deuxième chance, même s’il envisage d’autres options. On a compris que trouver un logement ça allait être difficile, alors on s’est mis en mode "on économise à fond" pour essayer de se trouver une maison. On est rendus là.

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