•  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  
  •  

Des écoles canadiennes massivement utilisées comme tremplins pour demander l’asile

Le nombre de permis d’études octroyés à des étudiants étrangers a explosé au Canada. Une façon pour certains de mettre le pied au pays dans le seul objectif de demander l’asile, a constaté Radio-Canada.

Des étudiants entrent à l'UQAC.

Plus de 300 étudiants étrangers inscrits à l'Université du Québec à Chicoutimi ont demandé l'asile l'an passé. (Photo d'archives)

Photo : Radio-Canada / Mireille Chayer

Sur papier, ils sont parfois des centaines, voire des milliers d’étudiants étrangers par établissement d’enseignement. Mais de plus en plus, un nombre important d’entre eux ne mettent jamais les pieds dans l'école qui leur a ouvert les portes du Canada.

En l’espace d’un an seulement, le nombre de demandeurs d’asile arrivant au Canada grâce à un permis d’études a presque triplé.

Selon des données fédérales obtenues par Radio-Canada, plus de 11 300 demandes d’asile en 2023 concernaient des personnes venues initialement au Canada pour étudier. Soit 8 % du nombre total des demandes d’asile faites l’an passé, une année record.

Depuis des années, le Canada n’a pas surveillé le nombre de demandes pour étudier au Canada et, par appât du gain, des écoles ont été motivées de faire venir de plus en plus d’étrangers. Ottawa a perdu le contrôle, juge l’avocat en immigration Richard Kurland, qui étudie depuis plusieurs années le commerce autour de ces permis d’études.

On a laissé la porte ouverte à n’importe qui pour venir au Canada avec des permis d’études. On n’a pas contrôlé le nombre de permis émis chaque année.

Une citation de Richard Kurland, avocat en immigration

Ce phénomène a pris énormément d’ampleur en peu de temps.

En l’espace de cinq ans, le nombre de demandeurs d’asile entrant au Canada avec un permis d’études a été multiplié par sept. Dans le même temps, le nombre de permis d’études approuvés a lui aussi nettement grimpé, mais à un degré bien moindre.

Des universités québécoises ciblées

Cette situation concerne de nombreux établissements privés et publics, notamment en Ontario, où l'on relève une forte proportion de permis délivrés à des ressortissants indiens.

Situé en banlieue de Toronto, le Seneca College est en tête de ces institutions ayant inscrit le plus d’étrangers qui finissent par demander l’asile. D’autres établissements privés ontariens sont concernés.

Le collège Conestoga.

Le Conestoga College, en Ontario, a accueilli plus de 30 000 étudiants étrangers en 2023. Une hausse spectaculaire en quelques années. (Photo d'archives)

Photo : Cameron Mahler/CBC

Le Conestoga College, par exemple, a connu un bond phénoménal d’inscriptions d’étudiants étrangers (de 6000 à 30 000 entre 2018 et 2023), avec, là encore, une forte hausse du nombre de personnes demandant l'asile une fois arrivées au pays grâce à leur permis d'études.

Mais le Québec n’est pas en reste. Loin de là. Contrairement à d’autres provinces, cette problématique vise essentiellement des institutions publiques situées en région, loin de la métropole montréalaise.

Au cours des derniers mois, nous avons été sensibilisés par les directions des établissements d’enseignement supérieur face au phénomène des étudiants étrangers qui s’inscrivent, mais qui finissent par ne jamais assister à leurs cours, ce qu’on appelle les no-show, reconnaît le cabinet de la ministre de l’Immigration, Christine Fréchette.

Notre hypothèse est qu’il s’agit des mêmes personnes qui obtiennent un permis d’études et qui demandent par la suite le statut de demandeurs d’asile.

Une citation de Maude Méthot-Faniel, porte-parole de la ministre Christine Fréchette

Ses prédécesseurs ont déjà serré la vis, par le passé, aux collèges privés recrutant massivement des étudiants indiens. À présent, les regards se tournent vers certaines universités québécoises, qui ont elles aussi grandement haussé le nombre d’inscriptions d’étudiants étrangers.

À l’Université du Québec à Chicoutimi (UQAC), plus de 300 personnes inscrites dans l’établissement ont demandé l’asile l’an passé. Une hausse de 342 % en seulement quelques mois.

Il est bien difficile de trouver les causes de cette situation, indique Marie-Karlynn Laflamme, porte-parole de l’établissement saguenéen, qui se dit mal outillé.

Il est impossible de connaître les intentions des gens en provenance de l’international qui font une demande d’admission à l’UQAC dans une autre perspective que celle d’y étudier.

Une citation de Marie-Karlynn Laflamme, porte-parole de l’UQAC

Ce phénomène est similaire à l’Université du Québec à Trois-Rivières ou encore à l’Université Laval. Ces établissements partagent une volonté commune d’attirer de plus en plus d’étudiants africains francophones dans leurs rangs.

Les décisions d’admission sont basées sur des critères académiques, se défend l’Université Laval. La personne ne déclare pas son statut de réfugié lorsqu’elle remplit une demande d’admission, écrit par courriel le porte-parole Jérôme Pelletier.

Hausse spectaculaire d’inscriptions au Québec

Le gouvernement Legault rejette régulièrement la faute sur son homologue fédéral concernant la hausse massive du nombre d’immigrants temporaires au Québec. Pourtant, Québec a aussi participé à cette augmentation en octroyant un nombre record de certificats d’acceptation du Québec (CAQ), un document préalable à l’émission du permis d’études par Ottawa, réservé aux ressortissants étrangers souhaitant étudier au Québec.

L’an passé, d’après des données diffusées par la Loi sur l’accès à l’information, Québec a accepté près de 157 000 CAQ, contre 122 000 une année plus tôt et 97 000 en 2020. S’il le désire, le gouvernement Legault a d’ailleurs la liberté d’imposer des conditions pour l’obtention de ce certificat.

Des étudiants profitables pour les écoles

Ce qui est problématique, c’est qu’on utilise le système d’immigration à mauvais escient, estime l’avocate québécoise Krishna Gagné.

À ses yeux, le permis d’études est parfois devenu un sésame permettant de mettre les pieds au Canada. Pour demander l’asile, la personne doit trouver une façon d'arriver au Canada. Si elle réussit à obtenir une lettre d’admission [d’un établissement], ça peut être une voie qui peut même être plus faisable que le visa de touriste, ajoute-t-elle.

Des établissements ont été utilisés comme porte d’entrée au Canada, soit pour demander l’asile, soit pour trouver un travail.

Une citation de Krishna Gagné, avocate en immigration

Cette situation serait néanmoins profitable pour certaines institutions publiques et privées qui fermeraient les yeux sur ces stratagèmes, croit l’avocat en immigration Richard Kurland.

Chaque étudiant paye des milliers de dollars à l’école pour venir étudier au Canada. Pour les écoles, ce sont des sommes très importantes. À cause de ça, il y a tout un commerce hors du Canada et ça se passe à l’extérieur de nos lois, avance l’avocat de Vancouver, qui réclame davantage de vérifications de la part des autorités gouvernementales.

En déboursant ces montants et ces frais d’inscription parfois élevés, un étudiant obtient ainsi une quasi-garantie d’arriver légalement au Canada, résume-t-il.

Il faut motiver les écoles à bien surveiller leurs étudiants et à bien sélectionner des personnes qui vont terminer leurs études avec succès au Canada.

Une citation de Richard Kurland, avocat en immigration

Il faut contrôler le nombre de permis accordés à chaque école, propose-t-il. Si on voit que beaucoup d’étudiants étrangers ne viennent pas dans une école spécifique, l’année suivante, le gouvernement doit réduire le nombre de permis.

Ottawa assure de son côté avoir conscience de ces enjeux. Il faut resserrer les tours, admet le ministre fédéral de l’Immigration, Marc Miller, dans une récente entrevue accordée à Radio-Canada.

Ce dernier, tout en jetant le blâme sur des collèges privés ontariens, n’hésite pas à critiquer également le laxisme de certaines universités.

Des institutions publiques ne sont pas exemptes de critiques.

Une citation de Marc Miller, ministre fédéral de l’Immigration

On a ce phénomène de gens ici pour d'autres raisons, avec des visas étudiants, et qui demandent par la suite l'asile. C'est un problème, confie le ministre Miller.

Le ministre Marc Miller.

Le ministre de l'Immigration, Marc Miller, a annoncé plusieurs mesures pour limiter les abus avec les permis d'études.

Photo : La Presse canadienne / Spencer Colby

De nouvelles règles imposées par Ottawa

Au cours des dernières semaines, le gouvernement fédéral a d’ailleurs instauré de nouvelles règles entourant l’arrivée des étudiants étrangers au Canada. Un plafond temporaire de deux ans a même été mis en place et une hausse des exigences financières a été décrétée.

Pour rendre également ces stratagèmes liés aux permis d’études moins attrayants, Ottawa a également décidé, dès septembre prochain, de limiter à 24 le nombre d’heures de travail permises, chaque semaine, pour ces étudiants.

Avant la pandémie, ce maximum était fixé à 20 heures, mais le gouvernement avait levé ce plafond en 2022 pour contrer le manque de main-d'œuvre.

Avec la collaboration de Louis Blouin

Vous souhaitez signaler une erreur?Écrivez-nous (Nouvelle fenêtre)

Vous voulez signaler un événement dont vous êtes témoin?Écrivez-nous en toute confidentialité (Nouvelle fenêtre)

Vous aimeriez en savoir plus sur le travail de journaliste?Consultez nos normes et pratiques journalistiques (Nouvelle fenêtre)

Chargement en cours

Infolettre Info nationale

Nouvelles, analyses, reportages : deux fois par jour, recevez l’essentiel de l’actualité.

Formulaire pour s’abonner à l’infolettre Info nationale.