Aristide devra s'expliquer
Prenez note que cet article publié en 2006 pourrait contenir des informations qui ne sont plus à jour.
En entrevue au Point, le premier ministre haïtien estime qu'Aristide devra répondre des allégations de fraudes s'il décide de retourner dans son pays.
Le premier ministre par intérim d'Haïti, Gérard Latortue, n'est pas favorable à un retour à court terme de l'ancien président Jean-Bertrand Aristide dans son pays.
En entrevue exclusive au Point, M. Latortue a indiqué que la Constitution haïtienne permettait un retour de l'ancien président, mais qu'il devra répondre à certaines plaintes concernant des allégations de fraude ou d'enrichissement illicite.
« M. Aristide était un prêtre d'une paroisse pauvre, il n'avait pas le sou quand il est arrivé au pouvoir, affirme M. Latortue. Quand il est parti, lui et ses associés étaient devenus des millionnaires. D'où sont venus ces fonds? Il va falloir qu'il s'explique. »
Il rappelle aussi que près d'une dizaine des proches collaborateurs de M. Aristide ont été accusés ou condamnés aux États-Unis pour trafic de stupéfiants, ce qui soulève des questions sur l'intégrité de l'ancien président. M. Latortue évoque même les scandales financiers ayant touché Augusto Pinochet, au Chili, et Alberto Fujimori, au Pérou.
« Sa présence a soulevé trop de passions, estime-t-il. Donnons une chance [au nouveau président élu René] Préval d'organiser son gouvernement. »
M. Aristide est en exil en Afrique du Sud depuis sa démission, en février 2004, sous la pression de pays occidentaux et de révoltes populaires.
Une guerre civile évitée
Gérard Latortue quittera son poste dans les prochaines semaines, lorsque M. Préval lui aura choisi un successeur. Même s'il a fait l'objet de critiques lors de son passage à la tête du gouvernement provisoire, il estime qu'il a rempli le mandat qui lui a été confié.
« Ma mission essentielle était de remettre le pays sur les rails en organisant des élections, explique-t-il. [...] C'était de ramener la paix sociale. Notre présence a évité, et je mesure mes mots, une guerre civile. »
Concernant l'imbroglio électoral ayant mené à l'élection du nouveau président, M. Latortue se veut philosophe. « Haïti n'est pas un pays qui a une tradition d'organisation d'élections libres, démocratiques, transparentes et inclusives », dit-il.
Selon lui, la population ne saisissait pas entièrement les décisions du Conseil électoral provisoire. Les problèmes observés le jour du scrutin en ont également entaché l'image. « Les Haïtiens auraient voulu que tout fonctionne à 100 %, juge-t-il. [...] Les élections ne méritaient pas un A+, disons un B+. »
M. Latortue reste confiant en l'avenir d'Haïti, même s'il reconnaît que l'aide internationale est essentielle. Il se réjouit surtout que le pays compte un président issu de la volonté populaire.
Entre-temps, le gouvernement par intérim a annoncé mercredi que le deuxième tour des élections législatives en Haïti aura lieu le 21 avril. Initialement prévu le 19 mars, le scrutin a été reporté à la suite des manifestations qui ont suivi les scrutins présidentiel et législatif du 7 février.