Mulroney aurait reçu de l'argent de Schreiber

La télévision anglaise de Radio-Canada révèle que l'homme d'affaires germano-canadien a utilisé des fonds provenant de commissions secrètes pour remettre 300 000 $ à l'ex-premier ministre canadien après qu'il eut quitté son poste.

Un reportage de l'émission Fifth Estate du réseau anglais Radio-Canada diffusé mercredi révèle que l'homme d'affaires germano-canadien Karlheinz Schreiber a utilisé des fonds provenant de commissions secrètes pour remettre 300 000 $ à l'ancien premier ministre Brian Mulroney en 1993, peu après qu'il se fut retiré du pouvoir.

Sur la base des documents qu'elle a obtenus, l'émission établit que cette somme provenait de comptes en banque en Suisse et au Liechtenstein. Selon Fifth Estate, ces comptes, qui appartenaient à Schreiber, étaient alimentés par des contributions de sociétés ayant obtenu des contrats publics.

L'homme d'affaires affirme en outre, dans une entrevue accordée en primeur à l'émission, qu'il a versé le montant en trois versements à l'ancien premier ministre. « C'est arrivé par l'entremise de Fred Doucet, un proche de Mulroney, qui m'a dit: "Brian s'en va et, pour l'instant, il a des problèmes financiers." »

Schreiber continue en expliquant en détail la manière dont il aurait donné la somme à Brian Mulroney. « On m'a demandé d'aller le voir dans un hôtel près de l'aéroport Mirabel, j'ai apporté la première tranche de 100 000 $ [...] Plus tard, à l'hôtel Reine Elizabeth, il est venu me voir, et je lui ai donné une autre tranche de 100 000 $ ». Il affirme que le même rituel s'est répété le 8 décembre 1994, au chic hôtel Pierre de New York, lors du dernier versement de 100 000 $.

Lors des premières révélations au sujet des 300 000 $, il y a quelques années, l'ancien premier ministre avait laissé entendre que cela pouvait être de l'argent versé en échange de travail pour une firme d'import-export de spaghetti. « J'ai appris avec surprise que nous avions travaillé ensemble sur du spaghetti », dit en riant Schreiber au cours de l'entrevue à l'émission Fifth Estate.

L'aspect troublant de ces paiements vient du fait que l'argent placé dans le compte Britan de Schreiber provient de compagnies aéronautiques et militaires. Fifth Estate n'a toutefois aucune preuve que Brian Mulroney connaissait l'origine de ces fonds.

Schreiber, qui se bat depuis des années pour éviter son extradition vers l'Allemagne, a servi d'intermédiaire dans divers projets publics au Canada, dont l'achat de 34 avions Airbus par la société d'État Air Canada en 1988 et un projet d'usine de blindés Thyssen dans l'Île du Cap-Breton.

La GRC avait soupçonné les deux hommes d'avoir reçu des commissions reliées à l'achat d'appareils Airbus d'une valeur de deux milliards de dollars. L'enquête avait été abandonnée en avril 2003. Brian Mulroney, qui à l'époque avait nié avoir eu quelques liens d'affaires que ce soit avec Karlheinz Schreiber, a refusé de s'expliquer devant Fifth Estate.

Karlheinz Schreiber avait intenté un procès au gouvernement canadien pour diffamation, après que des fonctionnaires eurent fait parvenir une lettre aux autorités suisses, en 1995. Dans cette lettre, ils mentionnaient son nom ainsi que celui de Brian Mulroney dans cette présumée affaire de pots-de-vin pour l'achat des Airbus.

En 1997, le gouvernement canadien a présenté ses excuses à M. Mulroney et lui a versé une indemnisation de deux millions de dollars dans le cadre d'une entente à l'amiable. Le gouvernement a reconnu qu'il n'avait pas de preuves suffisantes pour formuler de telles allégations.